PEREC (G.). La Vie mode d'emploi. Romans. Paris, Hachette POL, 1978, in-8°, broché, couverture.
ÉDITION ORIGINALE.
Couronné par le prix Médicis en 1978, La Vie mode d'emploi détaille l'existence de tous les résidents d'un immeuble parisien du XVIIIe arrondissement.
L'originalité du livre tient en grande partie à la technique narrative de l'auteur, qui s'en est expliqué à plusieurs reprises lors de divers interviews et conférences. Il n'est pas sûr, à ce jour, que toutes les contraintes qu'il s'était imposées aient été répertoriées. Sans précédent dans l'histoire littéraire, ses procédés d'écriture puisent dans la rhétorique, la combinatoire mathématique et le jeu d'échecs. Dès le premier chapitre, Perec invite le lecteur à considérer l'œuvre du point de vue de son architecture. Le roman est, en réalité, assimilé à un puzzle, dont chaque chapitre constituerait l'une des pièces. Se moquant de lui-même, le romancier a investi au moins deux de ses personnages de projets extraordinaires semblable au sien : le peintre Valène envisage une toile qui totaliserait tout l'immeuble dans ses moindres détails, et Bartlebooth consacre son existence à créer des puzzles uniques qu'il reconstitue pour les détruire aussitôt.
Roman descriptif, La Vie mode d'emploi tente d'épuiser le champ d'observation (l'immeuble et ses habitants) qu'elle s'est fixé, chaque personne étant l'objet d'une notice biographique, et son appartement, d'un scrupuleux inventaire. Le romancier décrit jusqu'à l'obsession le moindre détail et semble inépuisable dans l'énumération des objets cités. Le caractère fastidieux de cette nomenclature toujours renouvelée stimule en réalité la production romanesque, puisque derrière le ton sec et rigoureux du biographe, Perec crée d'incroyables personnages, entre la cantatrice exilée de Russie, la femme d'affaires regrettant la campagne, le pharmacien enrichi à la recherche du Très Saint Vase, la belle-mère acariâtre qui coupe l'eau chaque fois que son gendre va se raser, l'imprésario qui a cru faire fortune dans le commerce des cauris ou la matheuse rêvant de construire la plus haute tour du monde. Souvent, ses personnages sont la reprise, à peine déguisée, de stéréotypes littéraires ou de héros de romans célèbres. Cet esprit de jeu et de raillerie est à l'œuvre dans des centaines d'histoires. On pense par exemple à la mort, par abus de gommes mâchées, du mari de la concierge, le sergent-chef Henri Nochère, et de ses deux collègues (baptisée le syndrome des Trois Sergents). Compilant tous les genres connus, Perec se nourrit aussi bien des romans policiers d'Agatha Christie, que des contes des Mille et une Nuits, des romans comiques du XVIIe siècle, de faits divers, des bestiaires médiévaux et des romans-feuilletons. Ce recours systématique à l'emprunt et à la citation est mis en évidence par l'insertion, dans la trame textuelle, de toutes sortes d'éléments étrangers, à la manière d'un collage cubiste : une recette de cuisine, la description d'un animal fabuleux, un titre de gravure en lettres gothiques, une adresse étiquetée, un catalogue d'outils de bricolage, un arbre généalogique... et même des symboles, calligraphiques ou autres.
Sans doute la plus grande réussite de Perec est-elle d'avoir concilié le plaisir de la lecture et cette maîtrise mathématique de l'écriture, qui fait de son texte une œuvre majeure de la littérature contemporaine.
Des 21 premiers exemplaires sur vergé d'Arches, celui-ci est le n° 3.
L'ensemble est conservé dans une chemise-étui de Loutrel.
Dimensions : 220 x 146 mm.
Perec (G.), Romans et récits, Le Livre de poche, pp. 9-34 ; Perec (G.), Entretiens et conférences, I et II, pp. 187, 206-208, 217-249, 255-257, 260-274, 282-284.
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