ZOLA (E.). LAS à Alphonse Daudet. 27 mai 1884, 6 pp. in-8°, à l'encre noire, demi-maroquin aubergine à coins (Devauchelle). Longue lettre d'Émile Zola adressée à Alphonse Daudet le 27 mai 1884, au sujet de Sapho, dernier roman de celui-ci, qui vient de paraître en volume. Zola (1840-1902), le maître du naturalisme, y écrit sur un ton très enjoué son admiration pour l'œuvre de son ami et lui prédit le succès : « [Ce] dernier roman est celui qui me plaît le plus, qui me va le mieux de tous les vôtres [...], je me trouve à l'aise dans cette histoire de deux tempéraments [...]. Ceci est votre coup de gueule, et cela me va. » Il apprécie tout particulièrement le « chapitre de la rupture : c'est ce que vous avez fait de plus grand, dans toute votre vie d'écrivain, soyez-en convaincu. Il y a là une clameur de femme, [...] qui m'emplit à moi les oreilles, depuis que vous me l'avez fait entendre. [...] Là, mon ami vous avez touché à l'immortalité, j'en réponds : c'est mon frisson qui me l'a dit. » Après quoi, l'auteur de L'Assommoir « confesse » son enthousiasme pour « la dévorante Sapho » : « [C'est] votre Sapho qui vivra à côté des grandes héroïnes qui ont aimé. Vous l'avez voulu, n'est-ce pas ? [C'est] votre gloire à vous d'avoir enfanté cette passionnée. [...] Nous sommes pleins d'elle, nous ne voulons qu'elle. Quand elle n'est pas là, le livre s'obscurcit. » Viennent toutefois quelques réserves : Aux yeux de Zola, Daudet a trop « arrangé dramatiquement » le dernier chapitre, « contre la vérité générale des faits ». En faisant de Jean « la victime écrasée de Sapho », il adopte une « attitude de moraliste qui taquine un peu [Zola, et qui] n'a rien à faire dans une histoire de cette envolée sensuelle, dans une pareille flambée d'incendie »... « Ouf ! j'ai tout dit ! », s'écrie-t-il avant de prédire à son ami « un immense succès » et l'adoration des siècles pour sa Sapho, fût-ce contre son gré. Enfin, il écrit : « En vous lisant, je voyais la joie du vieux Flaubert : ah ! qu'il l'aurait gobée ! » Et il le remercie de lui avoir rendu courage « dans ses tracs habituels » par « ces pages violentes qui [le] font [l']aimer davantage ». Édité chez Charpentier en 1884 après avoir paru en feuilleton, la même année, dans L'Écho de Paris, le roman de Daudet fut accueilli comme un chef-d'œuvre. Malgré les divergences esthétiques et surtout politiques qui les opposèrent parfois violemment, Émile Zola et Alphonse Daudet entretinrent une vive amitié, née dans celle admirative qui les lia tous deux à Flaubert. Ils échangèrent une abondante correspondance. Zola écrivit à propos des œuvres de son ami plusieurs articles élogieux et prononça, lors de sa mort en 1897, un discours ému, alors même que sévissait l'affaire Dreyfus qui les séparait. Cette lettre est publiée dans le tome V de la Correspondance. Dimensions : 216 x 144 mm. Provenance : Alphonse Daudet (1840-1897). Bannour (W.), Alphonse Daudet, Perrin, 1990, p. 222 ; Zola (É.), Correspondance, t. V, sous la dir. de B. H. Bakker, Montréal, Presses universitaires de Montréal - Paris, CNRS, 1985, p. 116-118.
100, Faubourg Saint-Honoré
75008 Paris
Tel. : 33 (0)1.42.66.68.32
Horaires d'ouverture :
du lundi au vendredi 10h-19h
samedi 11h-13h et 14h-19h