ZWEIG (S.). La Confusion des sentiments (Notes intimes du professeur R. de D.). Paris, Librairie Stock, 1929, in-12, demi maroquin rouge à coins, dos à nerfs pincés, tête dorée, non rogné, couverture et dos ([Huser]).
Édition originale de la seule traduction française.
D'un cosmopolitisme humaniste et pacifiste à un exil sans issue.
Stefan Zweig est né, en 1881, dans une famille juive viennoise aisée. Dès ses premiers feuilletons publiés autour de 1903, il connaît une certaine notoriété. Il parcourt l'Europe, séjourne à Berlin, Londres, Bruxelles ou Paris où il rencontre l'écrivain pacifiste Romain Rolland (1866-1844). Zweig le considérera toujours comme l'un de ses maîtres.
Dans l'Entre-deux-guerres, son talent, qui s'attache si bien à rendre les mouvements de l'âme et des sens comme ceux de l'histoire, s'exprime avec autant de bonheur dans des biographies, célèbres encore aujourd'hui, telles celles de Fouché ou de Marie-Antoinette, que dans des œuvres de fiction, dont il suffit de citer La Confusion des sentiments, Vingt-quatre heures de la vie d'une femme ou enfin Le Joueur d'échec. Mais bientôt sa sensibilité extrême et son élan humaniste vers cette culture paneuropéenne qui le rapproche tant de Romain Rolland, se retrouvent aux prises avec les convulsions de l'époque : la grande lucidité avec laquelle il envisage, très tôt et contre l'avis de ses amis, les graves périls que l'avènement du nazisme, en Allemagne, fait peser sur l'Europe, et jusque sur la Civilisation même, le convainc, non sans déchirements, de la nécessité de l'exil. Cet exil, de désillusions en désespoir, d'Angleterre en Amérique, s'achèvera par son suicide, au Brésil, en 1942.
Un texte dont Freud loua la description de la passion dans ce qu'elle a de troubles et de malaises mêlés.
Le sujet de La Confusion des sentiments est particulièrement bien résumé en son titre. Sous la forme de souvenirs, cette longue nouvelle relate la relation complexe et passionnée qui fut celle d'un jeune homme de dix-neuf ans avec l'un de ses professeurs. Tour à tour proche et distant de celui dont il est le mentor, le professeur provoque chez son jeune ami des bouleversements qui confinent aux sentiments amoureux, et qui le marqueront définitivement, bien après ce qu'il n'est pas exagéré d'appeler leur rupture. L'audace du sujet et la manière subtile avec laquelle Zweig le traita suscita la vive admiration de son ami Sigmund Freud. L'œuvre connut un succès immédiat.
Elle avait paru originellement, à Leipzig en 1927, sous le titre Verwirrung der Gefühle dans le recueil du même nom, dans lequel se trouvait également Vingt-quatre heures de la vie d'une femme. Ces deux nouvelles fameuses parurent séparément, en France, la même année, traduites par Alzir Hella aidé d'Olivier Bournac.
Alzir Hella (1881-1953) : « La plume française de l'œuvre de Zweig ».
C'est un bien étrange parcours que celui qui, des Ardennes, devait mener cet ouvrier du livre, proche de l'anarchisme, à la traduction des ouvrages et à l'amitié chaleureuse d'un fils de grand-bourgeois viennois.
En 1910, militant syndicaliste, Hella a fréquenté, dans les ateliers typographiques du journal L'Anarchie à Romainville, les futurs membres de la Bande à Bonnot. Infatigable et curieux, il voyage souvent en Belgique et en Allemagne. Il apprend l'allemand. À l'issue du premier conflit mondial, il collabore, aux côtés de Romain Rolland, à l'aventure de La Revue européenne. C'est là qu'il contribuera, par ses traductions faites souvent avec l'aide d'Olivier Bournac (pseudonyme du publicitaire Louis Angé (1885-ca. 1931)), à faire découvrir, en France, la littérature allemande, tant contemporaine (Rainer Maria Rilke, Thomas Mann...) que passée (Jean-Paul Richter...).
En 1929, sa traduction de À l'Ouest rien de nouveau, le best-seller pacifiste de l'écrivain allemand Erich Maria Remarque (1898-1970) connaît un succès retentissant, qui lui vaut la notoriété.
Si la rencontre avec Zweig nous reste mystérieuse, très vite celui-ci, cherchant un nouveau traducteur français, confie à Hella non seulement le soin de ses textes mais aussi celui de ses intérêts en France. La longue et très affectueuse correspondance qu'ils échangèrent jusqu'au suicide de l'écrivain, et qui reste toujours en partie inédite, témoigne de la grande amitié que Zweig avait pour l'homme et ses idéaux et de la totale confiance qu'il accordait au talent du traducteur.
La Confusion des sentiments est toujours rééditée en français dans la seule traduction d'Alzir Hella et Olivier Bournac.
L'un des 25 premiers exemplaires sur papier pur fil du Marais (n° 10).
Sa qualité et la provenance de l'exemplaire permettent raisonnablement d'envisager d'attribuer la reliure à Georges Huser.
Provenance : Charles Hayoit (Cat. 30 nov.-1er déc. 2001, n° 1224, avec son ex-libris) ; Hervé Guez (ex-libris manuscrit).
Delatte (A.-E.), Traducteurs d'histoire, histoires de traduction : trois récits biographiques de Stefan Zweig traduits par Alzir Hella, Thèse de doctorat de l'Université de Nantes, 2006, pp. 81-91 et 101-157.
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